Mme Jennifer MERCHANT, lauréate sénior de l’Institut universitaire de France
L’Institut universitaire de France (IUF) est un organisme public ayant pour mission de soutenir la recherche publique française. Il accompagne activement le développement et le déploiement de la recherche scientifique en France, en sélectionnant chaque année un certain nombre de lauréats dans deux catégories, junior et sénior, en fonction de l’ancienneté, de la carrière et du projet scientifique du candidat. Les enseignants-chercheurs nommés à l’IUF continuent à exercer leur activité dans leur établissement d'appartenance, mais ils sont déchargés des deux tiers de leur service d'enseignement, afin de pouvoir consacrer un temps de travail significatif au projet de recherche pour lequel ils ont été sélectionnés.
Après avoir été lauréate sénior de l’IUF entre 2013 et 2018, Jennifer MERCHANT fait partie une deuxième fois des bénéficiaires sénior 2021 de ce dispositif pluriannuel afin de mener à bien un projet de recherche novateur et original.
Observatrice et analyste sur le long terme de l’enjeu socio-politique des biotechnologies dans les pays développés (France, Europe, États-Unis), Jennifer MERCHANT a exploré dans une approche pluridisciplinaire l’élaboration et la consolidation des politiques publiques comparées dans les domaines des technologies de reproduction assistée, liées aux droits des femmes, mais aussi des politiques de genre et de santé, jusqu’aux questions relatives à l’édition du génome humain.
Le projet de recherche couronné est triple. Les deux premiers temps comprennent une étude de la manière dont la France et les États-Unis ont intégré les résultats des études sur le genre dans leur recherche en santé publique et leurs politiques de soins de santé ainsi qu’une étude comparative des politiques publiques en matière d'édition du génome humain (EGH) en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Pays à la pointe de la recherche dans ce domaine, mais confrontés à des législations autonomes depuis le Brexit, l’intérêt de ce projet consiste aussi à produire un travail collectif sur les politiques publiques de l’EGH avec des spécialistes de ces trois pays : généticiens, spécialistes des sciences sociales et humaines, décideurs politiques et groupes de défense des patients. Les perspectives conjuguées de ces différents acteurs à l’aide de différentes disciplines offrent en effet une vue globale sur le traitement de ces questions dans leur dimension pratique, qui seront réunies dans une monographie dédiée à ces aspects.
Le troisième temps de ce projet vise à faire converger ces analyses précédentes dans une approche nouvelle pour anticiper l'avenir de l'humanité de la reproduction à travers le prisme des études de genre et d'intersectionnalité, c'est-à-dire comprendre la manière dont les contextes de politiques publiques nationales sont créés et dans quelle mesure ils vont créer de nouvelles configurations d'accès ou d'absence d'accès aux technologies de reproduction assistée et au progrès scientifique. L’accès différencié à ces avancées scientifiques, notamment sur le plan économique, fait apparaître de nouvelles classifications socioéconomiques où l’on distinguera, à la suite des analyses sociologiques, une prolétarisation de certaines catégories de personnes, exploitées jusque dans leurs ressources physiques les plus intimes.
Ces projets, extensifs dans leurs développements et dans les problématiques nouvelles qu’ils ne manqueront pas de faire émerger, s’inscrivent dans les axes de recherche du CERSA, portant à la fois sur les « Transformations de l’État et de l’action publique » et sur les « Mutations des normativités ». L’attention à la dimension interdisciplinaire mariant droit et sciences humaines, aux implications économiques du droit ainsi que la place faite à l’anglistique, constitutifs de l’approche de l’équipe Law and Humanities au sein du CERSA, offrent un écrin particulièrement adapté à ces recherches novatrices et ouvertes sur l’avenir.